dimanche 5 août 2012

Un peu d'Histoire : la Seconde Guerre Mondiale, les prémices de la cyberguerre ? (1ère partie)

La première guerre électronique

Dans le Tome II de son ouvrage La guerre secrète, Anthony Cave Brown nous dévoile comment les forces alliés conçurent les premières contre-mesures radio ou électroniques (ECM) afin de tromper les radars de l'Axe. Contre toute attente, ces ECM n'ont pas été utilisées immédiatement, mais ont été réservées à un projet plus ambitieux, le gigantesque programme Fortitude d'intoxication et de désinformation quant au lieu et à la date du débarquement. Retour sur la première guerre électronique.





Alors que la Luftwaffe d'Hermann Göring tente de saper les défenses et infrastructures britanniques pendant la Bataille d'Angleterre, un élément déterminant viendra donner l'avantage à la Royal Air Force (RAF) : le radar. Créé sur la base d'un brevet de Robert Watson-Watt déposé en 1935, l'Angleterre s'équipe, dès le début de la seconde guerre mondiale, de la Chain Home, composée de 19 stations radars. Malgré son caractère un peu primitif, elle permet alors de guider les chasseurs, jusque-là aveugles, afin d'intercepter les bombardiers allemands. La Luftwaffe tentera de les détruire sans réellement y parvenir.

De leur côté, les allemands conçoivent eux-aussi leur propre système radar, plus avancé que le système britannique. En réponse aux raids nocturne anglais de 1940, le haut commandement allemand décide de construire la ligne Kammhuber afin de défendre la France, la Belgique et les Pays-Bas.

Au cours des années qui suivirent, les alliés décidèrent de mettre sur pied un gigantesque plan d'intoxication et de désinformation afin de tromper les forces ennemis sur le lieu, la date du débarquement en Europe, l'opération Fortitude. Elle s'intégrait dans un dispositif plus vaste d'opérations de déception, appelé Bodyguard, aux côtés notamment des opérations Mincemeat ou Zeppelin visant à faire croire à un débarquement en Méditerranée.

Fortitude se décomposait en deux branches, l'opération Quicksilver (Fortitude Nord), visant à convaincre l'état-major allemand d'un débarquement en Norvège, et l'opération Skye (Fortitude Sud), pour un débarquement dans le Pas-de-Calais cette fois.

Mais, revenons-en aux radars. Dans le Tome II de son ouvrage La guerre secrète, Anthony Cave Brown raconte comment les ingénieurs et techniciens britanniques conçurent un premier dispositif ECM qu'ils appelèrent Window (les américains l'appelèrent quant à eux Chaff). Composé de bandes de feuilles métalliques lâchées par des avions en plein vols, ce dispositif permettait alors de recréer l'effet d'un blizzard sur les écrans radars et ainsi masquer les formations d'appareils approchant de leurs objectifs. Fait étonnant, il s'avère que les deux forces avaient connaissance de ce dispositif mais, ignorant d'une part, toutes les deux le posséder, et, d'autre part, hautement dépendantes de leur système radar, elles ont décidé de ne pas l'utiliser, afin de ne pas dévoiler le stratagème à l'autre. Les anglais finirent tout de même par l'utiliser lors d'un raid sur Hambourg en 1943.

Les britanniques conçurent une deuxième arme de guerre électronique que ne possédaient pas, cette fois, les allemands. Par l'étude de Window, les techniciens découvrirent que, sous certaines conditions, ce dispositif pouvait créer l'illusion d'une flotte d'appareil toute entière. Forts de cette observation, ils créèrent un nouveau système, baptisé Moonshine, permettant la réception, l'amplification, puis le renvoie des émissions radars. Avec seulement quelques navires ou avions équipés, ce dispositif permettait de tromper les forces ennemis en simulant le mouvement d'une véritable flotte sur les écrans radars.

On imagine alors aisément l'avantage pouvant être retiré de l'utilisation d'un tel système, et notamment dans le cadre de la campagne de bombardement contre l'Allemagne, afin de délibérément induire en erreur les chasseurs de la Luftwaffe chargés d'interceptés les bombardiers alliés, en les attirant loin des zones visées. Après un premier essai concluant, Moonshine fut utilisé en 1942 afin d'éloigner les chasseurs allemands d'un raid de forteresses volantes sur Rouen.

Cependant, Moonshine fut retiré du circuit. Perfectionné puis équipé sur différents appareils, ce système servirait à un plus grand dessein, celui de Fortitude Sud, en simulant l'arrivée d'une gigantesque armada entre Le Havre et Calais, à l'aube du Jour J.

Dans son acceptation restreinte, celle de la guerre électronique, on a tendance à faire coïncider l'avènement de la cyberguerre avec la Révolution dans les Affaires Militaires (RMA), dont je parle ici. Moonshine est un instrument de brouillage visant finalement à dégrader l'acquisition d'information nécessaire à la reconnaissance du champ de bataille. Si, pendant la seconde guerre mondiale, on ne pouvait très certainement pas parler au sens strict de cyberespace tel qu'on l'entend aujourd'hui, cet épisode relaté par Anthony Cave Brown nous montre tout de même que la cyberguerre actuelle tire quelques racines de ce conflit.

En parallèle de cette première guerre électronique, un autre épisode de ce conflit, tout aussi passionnant, vient aussi jeter les bases de la cyberguerre actuelle. Fait de faux semblants, de simulacres et de trahisons, le SOE et le SD se sont livrés à un jeu des plus dangereux et des plus opaques : le jeu de la radio. A retrouver sur BlitzKlik ici.

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