jeudi 17 janvier 2013

Trolls et marques, quels risques et quelles réponses pour les entreprises ?

L’émergence du Web 2.0 a profondément bouleversé le rapport aux marques et aux sociétés. Lieu emblématique de la liberté d’expression, l’Internet est aussi celui de ses excès, où se conjuguent tout autant l’anonymat que notre capacité à parasiter les messages qui nous semblent illégitimes. Les Trolls, phénomène émergé depuis quelques temps déjà, en est un exemple. Leurs actions peuvent-elles être comparées à un processus de Guerre de l’Information ? Comment répondre à ces internautes dont le seul but est de parasiter un débat et d’empêcher toute discussion de fond ?
 
Mot dont le sens est purement issu de la culture Internet, une fois n’est pas coutume, nous nous tournerons vers Wikipédia afin d’en découvrir la définition. Un Troll est une personne qui participe à une discussion ou un débat dans le but de susciter ou nourrir artificiellement une polémique, et plus généralement de perturber l'équilibre de la communauté concernée. Il est ajouté dans cette définition que le mot troll peut également faire référence à un débat conflictuel dans son ensemble.

Si le trolling est à distinguer du flaming visant à propager des messages insultants ou hostiles, il n’en demeure pas moins que les trolls recouvrent une volonté et une capacité de nuisance lors de discussions. Privilégiant l’ironie, le raisonnement par l’absurde et la nargue afin de provoquer des réponses agressives, le but final est de tourner en dérision une situation, susciter une polémique ou parasiter une quelconque discussion de fond. Les terrains de jeux sont variés, allant des sessions multijoueurs aux discussions sur les forums, tout comme les sujets abordés.

La définition de Wikipédia va d’ailleurs plus loin en dressant un portrait des différentes tactiques de langage du Troll, dont certaines sont les suivantes :

  • Attaque sur la forme du post ou sur l’orthographe  ;
  • Attaque personnelle hors sujet (qualification de l’interlocuteur de fake, d’inculte, de naïf, ou même de troll …) ;
  • User du procès d’intention ;
  • Avoir recours au sophisme et aux raccourcis.

Les avertis de la Guerre de l’Information peuvent voir déjà où je veux en venir. Pour les autres, lesquels cette notion n’inspirant pas une idée précise, j’avais abordé cette rhétorique de l’affrontement des discours dans de précédents articles, et notamment Le piège médiatique de la taupe : quand la trahison devient un acte héroïque. Si les tactiques de Guerre de l’Information (privilégier autant que possible la contradiction principale de l’adversaire, l’enfermer dans un discours justificatif et opposer des valeurs humaines ou humanistes aux variables économiques) restent plus subtiles que celles utiliser par les Trolls, il n’en demeure pas moins que ces deux phénomènes gardent un même objectif, à savoir parasiter un message.

Toutefois, les motivations semblent différentes. Volontairement ou involontairement, de manière spontanée ou non, conscients ou non, les groupes usant de techniques de Guerre de l’Information s’engagent dans une bataille de la posture, dont le but est d’influencer un public réceptif pour emporter l’adhésion. Toujours selon Wikipédia, les Trolls, eux, n’auraient pas forcément la volonté de remporter l’adhésion, mais plutôt d’empêcher qu’un autre acteur ou que ses positions puissent être reconnus. La définition de Wikipédia inscrit les actes du Troll dans une logique de jeu où ce dernier prend finalement plaisir à parasiter des discussions. Peut-être pouvons-nous ajouter que le Troll a aussi des idées très arrêtées sur certains sujets (et même des préjugés ?) et se trouve peu enclin au débat si ce dernier semble débouché vers une conclusion qui s’oppose à son positionnement. Il en va de même avec les messages entrant en contradiction avec ses convictions.

Dans de précédents articles traitant de ces sujets, je décrivais comment une Guerre de l’Information pouvait être préjudiciable pour une société ou une marque. Il en va de même pour le trolling. Cependant, les réponses à apporter devront être différentes. La Guerre de l’Information privilégie le discours et les arguments, renforcés par différents stratagèmes et techniques de diffusion. Dans cette rhétorique de l’affrontement, ce sont surtout les arguments qui comptent ainsi que la légitimité de son émetteur. Il est donc nécessaire de mesurer son discours de réponse et veiller à ne pas se trouver enfermé dans une constante justification. Dans le cas de Trolls, les arguments sont biens moins construits mais parasitent les échanges en empêchant de s’intéresser au fond et en suscitant des réponses négatives et agressives d’autres utilisateurs. Si une marque est prise pour cible par des Trolls, elle verra alors se multiplier des contenus négatifs à son encontre sur différentes plateformes de discussion, avec des messages de seulement quelques mots aux qualificatifs peu avantageux. Il est difficile de répondre à ce type de messages se basant sur des critères purement subjectifs et sans argument que l’on pourrait réfuter.

Il en est tout de même une société qui a trouvé une parade. Il s’agit de Microsoft et, plus particulièrement concernant son navigateur Internet, Internet Explorer (appelé aussi IE), cible de nombreux Trolls depuis un certain temps. Le site Numérama nous indique que Microsoft a publié une vidéo humoristique tournant en dérision les Trolls et leurs messages.


Il s’agit peut-être là d’une des meilleures réponses à apporter. Montrer le ridicule de leur démarche sur le ton de l’humour en utilisant un support à fort potentiel viral est une initiative pertinente, permettant de contourner les problématiques engendrées par une réponse directe et ayant un impact plus fort qu’un discours plus formel.

Pour conclure, le phénomène du trolling, comme d’autres issus de l’émergence de l’Internet comme média à part entière dans la sphère économique, amène de nouveaux rapports entre les entreprises et le public. Non plus complètement maîtresse du contenu qu’elles diffusent et maintenant en opposition par rapport de potentiels mouvements de contestation à l’émergence plus rapide et au centre de gravité plus diffus, les marques devront redoubler d’effort pour s’assurer la stabilité de leur image. L’Internet n’étant pas un média classique, avec ses codes et ses usages propres, elles ne devront évidemment pas s’enfermer dans des modes de communication conventionnels, mais faire preuve d’originalité et de stratégie pour tirer leur épingle du jeu, ce qui nécessite une constante et pas nullement évidente remise en question.

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